Qu'est-ce que la couture engagée / responsable ?
Même si au premier abord la couture peut sembler très réfléchie et écologique (je choisis le patron que j’aime + un tissu que j’adore +je travaille avec pendant 10 h pour me coudre ma robe = celle que je porterais toute ma vie) dans la réalité cela n’est pas toujours le cas.
On connait tous les désastres de l’industrie textile notamment de la « fast fashion », et bien ce sont les mêmes pour la « fast couture ». Ainsi en opposition, la Slow couture et Slow fashion relèvent de la même intention : consommer moins mais mieux : c’est-à-dire de meilleure qualité, en accord avec ses valeurs et son style, et toujours dans un souci d’éthique et de durabilité.
La couture engagée c’est prendre le temps de réfléchir à son projet, réutiliser ou recycler au maximum les tissus existant et peaufiner ses cousettes afin qu’elles soient pérennes. La couture engagée c’est avoir les bonnes informations pour prendre les bonnes décisions aux bons moments C’est s’impliquer dans la confection de ses vêtements sur l’ensemble de la chaine : de l’origine de la fibre aux conditions de fabrication. La couture engagée c’est raisonner ses projets couture, sélectionner des étoffes de qualité qui ne nuisent ni à l’environnement ni aux personnes les fabriquant, choisir de la mercerie éco-responsable, coudre des vêtements durables, les porter au quotidien et en prendre soin.
Détaillons tous cela ensemble !
Instagram et la“fast couture”
Quand on passe un peu de temps sur Instagram, on se rend vite compte que la “fast-couture” existe bien.. Sur nos écrans défilent des centaines de photos de cousettes toutes plus belles les unes que les autres, des nouveaux patrons et tissus apparaissent tous les jours… La tentation est très forte de succomber à un achat impulsif, surtout quand notre égo est flattée par le nombre de likes. J’ai constaté beaucoup de gros comptes d’influenceuses qui cousent à la vitesse de la lumière des nouveautés toutes les semaines, et je me demande tous le temps si elle porte véritablement leur cousette ? (Dites-moi que je suis pas la seule à me poser cette question 🤣)
Quelle est la démarche derrière toutes ces vêtements cousu-main à la vitesse ultra sonique ?
Coudre pour avoir une nouvelle photo et donc pleins de compliments et de ❤ ?
Coudre le dernier patron pour se faire repérer par la marque ?
Coudre ce nouveau tissu pour espérer une future collaboration avec la mercerie ?
Je pense qu’il est facile de se perdre en chemin et qui pourrait nous le reprocher ? Sûrement pas moi ! Car le consumérisme et toutes les stratégies marketing d’influences sont en jeu ! Or la “fast couture” comme la “fast fashion” a des effets catastrophiques sur l’environnement.
Acheter des coupons de 3 mètres de viscose produite je ne sais où pour finalement coudre une robe qu’on va porter 3 fois et jeter le reste de nos chutes, est-ce vraiment mieux que d’acheter une robe chez Zara ? Je ne crois pas. La démarche est pour moi identique : on achète de la mauvaise qualité, produite/fabriquée dans de mauvaises conditions à l’autre bout du monde, en engraissant des entreprises qui manque cruellement d’éthique.
En tant que couturière expérimenté maintenant, nous avons tous connu cette phase au début, où la fièvre acheteuse est présente et notre ignorance forte. Mais ensuite, une fois les erreurs de débutantes passées, il faut enclencher une réflexion sur nos achats et tenter de raisonner ses projets couture.
Nous pouvons toutes faire de notre mieux, à notre façon. L’objectif n’est pas d’être exemplaire, seulement d’être conscient de ses choix et donc responsable. Cela évite d’avoir un placard qui déborde de cousettes non porté/mal choisie, d’économiser de l’argent et surtout cela nous allège l’esprit car nos choix sont en cohérence avec nos valeurs.
Comment raisonner ses projets couture ?
Coudre pour simplement coudre en passant d’un projet à un autre n’est pas une fin en soi.
Par contre, coudre pour le plaisir de créer de ses mains et de porter un vêtement adapté à notre morphologie et notre personnalité prend tout son sens. Prendre le temps de savourer le processus créatif en imaginant notre cousette, en sélectionnant le bon tissu, en soignant les détails.. C’est une démarche tellement passionnante de coudre juste pour le plaisir de créer un vêtement qui répondra à un de nos besoins, qui aura son rôle et sa place dans notre vie.
Bien choisir ses outils
Je vous conseille d’investir de suite dans une machine à coudre de qualité de milieu de gamme, par exemple la Brother CS 10 (ou sa grande sœur la Brother FS 40 qui est d’une simplicité déconcertante).
Grâce à ses 40 points de couture dont 5 boutonnières, aux réglages de la tension du fil, de la largeur et de la longueur des points ou de son plan de travail éclairé, cette machine permettra aux couturières débutantes et intermédiaires de réaliser de jolis points sans effort. Pour un prix très abordable, c’est une valeur sûre vers laquelle vous pouvez vous tourner les yeux fermés.
Toutefois, avant d’investir dans une machine neuve, je vous recommande de jeter un coup d’oeil sur les sites d’annonces pour en trouver une d’occasion ( Vinted, Paruvendu car des machines à coudre récentes et peu utilisées sont régulièrement mises en vente). Si c’est le cas, pensez à la tester et à vous assurer de son état avant d’acheter. Il existe également des entreprises spécialisés (réparateur de machine à coudre qui peuvent lui redonner un coup de neuf si besoin.
Quelques conseils pour que votre machine dure dans le temps :
utiliser une bombe à air pulsé pour la nettoyer régulièrement,
ne pas laisser vos épingles passer sous le pied de biche
changer les aiguilles régulièrement (et les adapter à votre tissu)
utiliser un fil de qualité adapté à la grosseur de l’aiguille
et ajuster la tension à chaque tissu.
Si vous pratiquez la couture depuis au moins un an et que vous aimez réellement cela, je vous encourage à investir également dans une surjeteuse : vos cousettes auront des finitions plus propres donc elles dureront dans le temps. La mienne est la ELNA PRO 664 depuis 3 ans (700€) et j’en suis ravie ! Elle est d’une simplicité déconcertante !
Concernant la mercerie, il suffit de quelques outils bien choisi et de qualité pour avoir des coutures régulières, donc ne négligez surtout pas la qualité de vos outils : une bonne paires de ciseaux ou des épingles fines. Vous retrouverez dans cet article les 20 outils indispensables quand on débute en couture.
Bien choisir ses patrons de couture
Le choix d’un patron de couture est très personnel, selon vos goûts et votre style vous en trouverez des milliers. Cependant dans une démarche d’éco-responsabilité, il est préférable de les choisir selon trois critères précis :
Les créateurs indépendants sont à privilégier prenez soin de sélectionner des petites créatrices françaises, qui sont passionnées par leur métier et proposent des patrons modernes, de qualité.
Sélectionner des modèles de patron à votre image, déclinables à volonté ! Ne choisissez pas à un patron parce qu’il est nouveau, ou qu’il est tendance, mais plutôt un patron qui vous plait, dans un style que vous aimez. Et surtout le patron doit pouvoir se décliner facilement ou proposer des variations, afin que vous puissiez le rentabiliser. Un patron doit se coudre plusieurs fois et s’adapter aux saisons (manches courtes/longues par exemple)
Vérifier que le tableau de mesure soit adapté à votre morphologie. Chaque créatrice de patron part d’un mannequin de base et décide de ses mensurations pour grader les autres tailles. Par exemple, Deer&Doe est une marque qui met en valeur les formes en X avec une taille marquée, alors que Atelier Scammit moins, et République du Chiffon pas du tout. Si vous choisissez un patron qui ne convient pas à votre morphologie, vous aurez beaucoup plus de mal à avoir un résultat satisfaisant et un rendu de qualité sauf si vous modifiez le patron pour l’adapter à votre corps évidemment.
Je vous déconseille les magazines pour débuter car les explications sont très succinctes et parfois sans photographie ou schéma. Si jamais quelques magazines vous intéressent, beaucoup sont revendus sur les sites d’annonces donc n’hésitez pas à aller y jeter un coup d’œil.
Acheter moins mais mieux
Privilégier la quantité à la qualité est le leitmotiv d’une couturière responsable.
Des tissus en matières naturelles biologiques et certifié Gots
Il existe plusieurs typologies de fibres textiles pour créer des tissus :
Les fibres naturelles telles que le coton, le lin, la soie
Les fibres textiles chimiques qui se divisent en deux familles : les fibres artificielles ( lyocell, modal) et les fibres synthétiques ( élasthanne, nylon…)
Ici, je vais me consacrer uniquement aux fibres naturelles dont le coton car c’est la plus connue et utilisée.
Dans le monde, la production du coton représente 70% de la production textile. C’est la deuxième industrie la plus polluante au monde derrière le pétrole. Puisque la culture conventionnelle du coton est fortement consommatrice d’eau, d’insecticides et de pesticides, son impact n’est pas seulement environnemental mais aussi social et sanitaire.
Le coton bio en revanche est cultivé sans pesticide, insecticide ni engrais chimique, et sans OGM. Plus douce et plus souple, la fibre de coton bio est plus épaisse et anallergique. La culture du coton bio permet non seulement de préserver la nature, mais aussi d’intégrer les valeurs d’un commerce équitable. Elle s’inscrit dans une économie respectueuse des droits économiques, sociaux culturels et environnementaux !
Respect de la biodiversité : les espèces non visées par les insecticides notamment les abeilles sont ainsi épargnées, préservation de la qualité de l’air, de la terre (pas d’OGM) et des eaux
Respect du producteur : aucun risque inhérent à la manipulation de produit chimique, une rémunération plus juste dans des conditions de travail décentes
Respect du consommateur : un tissu sans risque d’allergie, qui possède une meilleure qualité (fibre plus solide, donc des vêtements plus robustes et durables)
Pourquoi coudre du coton ?
Le coton est le textile le plus populaire et le plus polyvalent.
C’est une matière qui a les avantages d’être isolant, thermorégulant et absorbant.
Il peut être tissé de différentes manières pour obtenir des textiles plus ou moins épais, brillants ou mats, pour l’été comme pour l’hiver.
L’avantage de la fibre de coton est qu’elle peut se transformer en de nombreux types de tissus, ses utilisations sont donc très variées la mousseline, la popeline, le crêpe, le chambray, la double gaze. Vous trouverez sur le blog un article qui vous explique les différents types de tissus en coton et leurs utilisations en couture.
Il est confortable, agréable à porter, et facile à coudre.
Cependant pour qu’un tissu soit bio il faut que le fil composé de fibres naturelles (ici le coton) soit certifié bio de même que la production (tissage). Je précise qu’il y a aucune différence ni à l’œil nu, ni au toucher sur la qualité du tissu entre un coton bio et non bio.
Il existe 5 principaux labels sur le marché (je vous détaille tout dans cet article). Retenez simplement qu’un seul est complet le label GOTS, et non le label OekoTex.
Pourquoi il ne faut pas se fier au label Oeko-Tex ?
En effet, le label Oeko Tex Standard 100 est la certification la plus répandue. Elle garantit d’avoir un textile où l'absence de substances nocives est de mise (comme par exemple des métaux lourds, des allergènes ou encore des pesticides) MAIS elle ne garantit PAS que le tissu soit bio ou que des produits nocifs soient exclus pendant sa fabrication. Ne s’intéressant qu’au produit fini, ce label ne couvre aucune étape de la production (engrais, produits chimiques, traitement des eaux usées…).
C’est donc un label faible qui apporte un gage de confiance en terme de préservation de la santé pour réduire les risques d’allergies et d’irritations de la peau mais qui est laxiste en terme d’écologie et d’éco-responsabilité.
Pourquoi faut-il privilégier le label Gots ?
Le label Global Organic Textile Standard est le principal label complet garantissant un coton bio (minimum 95%). Il couvre tout le processus de fabrication, de la culture sans OGM, engrais et pesticides, à la production sans toutes les substances toxiques présentes dans la fabrication ou dans l’impression du textile.
Il va plus loin dans la certification en imposant des conditions de travail décentes. Les certifications sont à renouveler tous les ans, et sont auditées par des cabinets indépendants.
Le référentiel Global Organic Textile Standard est donc la référence en terme de textiles biologiques. Reconnu mondialement, il vise à harmoniser les normes relatives au secteur du textile depuis 2008. Ce label englobe des exigences environnementales et sociales, sur la qualité du textile et vis à vis de la toxicité. Il certifie l'origine biologique des textiles, des procédés de production socialement responsables et respectueux de l’environnement que ce soit pour la récolte des matières premières comme le coton, la fabrication, confection et le tissage des vêtements, l’étiquetage des produits textiles.
C’est pour toutes ces raisons que j’ai choisi de vous proposer dans ma boutique uniquement des tissus en coton biologique certifié GOTS, tissés et imprimés en France.
Choisir de la mercerie éco-responsable
Le principe d’une mercerie éco-responsable, c’est de choisir de préférence des articles recyclés ou en matières naturelles. Par exemple, je recycle les fermetures éclair de mes vieux vêtements ou des cousettes qui ne me vont plus, ou je les achète chez Emmaüs. Pour les boutons, j’en récupère chez mes grands parents, dans les vide greniers, ou sinon je sélectionne uniquement des boutons en matières naturelles fabriqués en France. Evidemment certains articles sont difficiles à remplacer boutons pression, œillets, élastiques… Il faut donc les utiliser avec parcimonie, et bien choisir son fournisseur (de préférence faire travailler une petite mercerie française).
Des bobines de fils en coton biologique certifié GOTS
Vous devez adapter votre fil au tissu que vous choisissez. Ainsi, je vous recommande de sélectionner des bobines de fils en coton biologique certifiés Gots car ils sont doux, résistants et les coloris sont lumineux. La marque que je vous propose, Scanfil est reconnue pour sa qualité incomparable. Fabriquées au Pays Bas, les bobines de fil de 100 m sont en bois de hêtre.
Des boutons en matières naturelles
Concernant les boutons, je vous propose d’utiliser de préférence des boutons en matières naturelles (corozo, noix de coco, bois…). Je vous recommande aussi de récupérer ceux de vos anciens vêtements, ou de faire le tour des vide greniers, vous pouvez avoir de belles surprises. Les boutons en porcelaines proposés par des artisans sont aussi une très belle alternative.
Privilégier la couture durable
Il ne suffit pas de coudre des vêtements de manière plus éthique pour être une couturière responsable. Si ce vêtement ne sera pas porté, ou mal entretenu cela ne sert à rien de le créer. La couture engagée, c’est prendre soin de ses vêtements cousus-main pendant toute leur durée de vie.
Prendre soin de ses cousettes
Avant de couper votre tissu, il est important de le laver à 30° en machine à laver pleine avec une lessive écologique. Il est important de faire sécher votre tissu à l’air (à plat). Le sèche-linge n’est pas recommandé car il va abîmer les fibres et les couleurs.
Pendant la couture, je vous conseille d’adapter la taille de l’aiguille de votre machine à coudre à la finesse du tissu. Pensez à changer régulièrement votre aiguille et à ajuster la tension du fil.
Il est important de parfaire vos finitions pour des cousettes qui durent longtemps : surfiler les marges de couture, réaliser des coutures anglaises ou un ourlet roulotté, thermocoller les parementures, ganser avec un biais, doubler un corsage… Toutes ces techniques vous assure des finitions esthétiques et pérennes, en plus d’accroître le confort et le tombé de vos tenues.
Pour aller plus loin : Comment prendre soin de ces tissus bio ?
Raccommoder ses vêtements cousu main
Avant de déposer des sacs de vêtements à la ressourcerie du coin ou de mettre au recyclage ce qui est hors d’usage, je vous conseille de raccommoder vos vêtements afin de pouvoir les porter plus longtemps. Vous avez passé tellement de temps et d’énergie à coudre vos vêtements, qu’il serait fort dommage de ne pas les garder le plus longtemps possible.
Pour apprendre à réparer soi même ses textiles, des plateformes, des blogs et des tutoriels vidéos en ligne regorgent d’astuces et de conseils, notamment Couture Académie sur YouTube, SloWeAre, La Bobine, Pop couture…
Donner une seconde vie à ses cousettes
Et si jamais vos cousettes ne vous conviennent plus ?
Et bien, il faut absolument leur donner une seconde-vie, au lieu de les laisser pourrir dans le placard.
D’une part, vous pouvez les utiliser coudre une nouvelle pièce (transformer une robe en jupe, ou une blouse en vêtement enfant…), ou réutiliser le tissu pour coudre des sacs à vracs, des lingettes démaquillantes etc… Il existe beaucoup de petits projets qui demande peu de tissus.
D’autre part, si elles sont encore de bonne tenue, vous pouvez les revendre/donner sur Vinted, le bon coin ou même à vos proches.
Et enfin, si vous souhaitez vous en débarrasser, il vous reste la dernière solution : les donner à la Fibre du tri, à Emmaüs ou tout autres associations.
En conclusion, la couture responsable c’est :
c’est prendre du recul pour mieux cerner ses désirs et ses besoins en réfléchissant à ses projets couture,
acheter des étoffes de qualité qui ne nuisent ni à l’environnement ni aux personnes les fabriquant,
privilégier de la mercerie française et en matière naturelle,
coudre des vêtements durables, les porter au quotidien et en prendre soin.
Concevoir une garde-robe durable avec des vêtements qui mettent en valeur notre corps et qui ne nuisent pas à la planète est une démarche sur le long terme. Donc il n’y a pas de problème pour coudre de la viscose, ou acheter du polyester produit à l’autre bout du monde si c’est votre choix et que vous le faites en toute connaissance de cause. Soyez indulgente envers vous-même, personne n’est parfaitement éco-responsable (moi la première), essayer simplement de faire de votre mieux, même si c’est une seule petite action.
Et n’oubliez pas : la couture engagée, c’est être informé et responsable de ses choix qu’ils soient bons ou mauvais ❤
Pour aller plus loin :
→ La couture responsable : 5 idées pour mieux consommer la couture